La grande aventure du carbone 14

 

Du bon usage de la radioactivité

Archéologues ou non, vous avez tous déjà entendu parler de la datation au Carbone 14. C'est une méthode utilisée en archéologie lorqu'on ne retrouve aucun élément qui pourrait servir de repère chronologique (pièces de monnaies, céramiques spécifiques...). Elle est donc particulièrement sollicitée pour la Préhistoire. Mais savez-vous comment ça marche ? Et qui en est le découvreur ? Petit retour sur les traces d'un prix Nobel de physique.

Une histoire de neutrons

Dans la nature, certains atomes existent sous plusieurs formes appelées isotopes : ça veut dire qu'ils ont le même nombre d'électrons et de protons, mais un nombre différent de neutrons. La composition de leur noyau est donc différente.

Les isotopes ne sont pas rare dans la nature; par exemple, on trouve du Carbone 12 (6 protons/ 6 neutrons) un peu partout. Parfois, ce déséquilibre entre nombre de protons et nombre de neutrons donne des éléments radioactifs (plus rares). Nous utilisons les propriétés de certains de ces éléments radioactifs, comme le carbone 14 pour la datation et le Cobalt 60 pour certaines radiothérapies contre le cancer.

On trouve du Carbone 14 en toutes petites quantités dans l'atmosphère et dans les organismes vivants (qui l'absorbent par la respiration / par la photosynthèse...). Et oui, vous êtes radioactifs ! Mais n'éteignez pas la lumière, vous ne brillez pas dans le noir.

Découvrir un atome : intention ou hasard ?

Le carbone 14 a été découvert un peu par hasard en 1934, par le physicien américain Franz Kurie. Dans son laboratoire de l'Université de Yale, il bombarde de l'azote avec des neutrons et constate qu'il y a différentes réactions selon que les neutrons soient "lents" ou "rapides". Deux ans plus tard, on comprend que les neutrons lents réagissent avec l'azote pour former un nouvel isotope auquel on donne le nom de Carbone 14. Mais on a beau savoir qu'il existe, personne pour l'instant n'est encore en mesure d'étudier les propriétés et les activités de ces particules.

Le véritable héros de la datation par carbone 14, c'est Willard Franck Libby.

C'est un chimiste américain né en 1908, spécialiste de la radioactivité (ce qui lui vaudra de collaborer pendant la guerre à la fabrication de la bombe nucléaire...). Après la fin de la guerre, il se replonge dans ses recherches à l'université de Chicago, où il dirigera l'Institut d'études Nucléaires jusqu'en 1959.

C'est avec ses élèves de l'Institut qu'il développe les méthodes de datation par Carbone 14. En 1952, il publie un ouvrage sur le sujet et s'impose en spécialiste incontournable. Deux ans plus tard, il devient le tout premier chimiste à être nommé à la Commission de l'Energie Atomique, sous la présidence d'Eisenhower. En 1960, sa carrière est couronnée par un prix nobel de chimie.

Comment marche la datation au Carbone 14 ?

La datation au carbone 14 repose sur le principe de la radioactivité naturelle : tout organisme vivant contient des éléments radioactifs, dont le 14C.

Tant que l'organisme est vivant, la quantité de 14C qu'il contient est renouvelée par ses interactions avec l'atmosphère (respiration, photosynthèse...)

Mais lorsque l'organisme meurt, le 14C commence à se désintégrer et la radioactivité naturelle décroit lentement.

Pour les fans de chiffres, une convention internationale a fixé le rythme de cette perte de radioactivité : Elle décroît de moitié tous les 5 568 ans. C'est ce qu'on appelle la période de demie-vie. (en fait c'est beaucoup plus compliqué mais je ne veux pas vous embrouiller avec des chiffres que je maîtrise mal moi-même).

Donc lorsque nos ancêtres du néolithique abattent un arbre, ils déclenchent un processus qui permettra aux archéologues actuels de déterminer à quel moment l'arbre a cessé sa photosynthèse. Encore faut-il être à l'aise avec les calculs parce que la tâche est loin d'être simple. Avouons-le, les archéologues ne font pas eux-même les calculs, il existe des laboratoires spécialisés pour ce genre de demande.

Carbone 14 et archéologie

Le carbone 14 a été utilisé en archéologie dès sa découverte puisque ses premières applications remontent aux années 1950. Et c'est la grotte de Lascaux qui a bénéficié la première de la méthode. Depuis, c'est presque devenu chose courante. De très grands sites ont été datés grâce au Carbone 14, comme la grotte Chauvet, mais aussi des objets symboliques comme par exemple le suaire de Turin ou même des espèces comme l'Homme de Cro-Magnon.

Cette datation ne donne pas une date de l'histoire, mais l'âge de l'objet étudié.

Elle a ses limites : impossible de dater un objet plus vieux que 50 000 ans car alors le C14 n'apparaît plus que dans des quantités si infimes qu'on n'a pas encore les moyens d'en évaluer la quantité précise. Le développement d'autres méthodes de datation comme la dendrochronologie ont remis en cause l'exactitude des datations et il a fallu affiner les méthodes de Libby. D'autres facteurs peuvent également influencer les résultats : pensez par exemple aux effets de Tchernobyl, qui ont considérablement augmenté le taux de Carbone 14 dans l'atmosphère, ou plus insidieusement (mais non moins inquiétant) : les particules émises par nos véhicules. Les archéologues du futur pourront-ils alors utiliser le Carbone 14 pour dater nos vestiges ?

Au rang des contraintes se trouve aussi la taille des échantillons, qui doit être suffisante pour mener les expériences. Donc d'une manière générale, la datation au Carbone 14 doit être complétée par une autre méthode de datation, ou par une méthode similaire mais reposant sur d'autres isotopes. Car, rappelez-vous, le C14 n'est pas le seul isotope radioactif et certains autres éléments disparaissent à un rythme différent.

Malgré ces limites, la datation au Carbone 14 reste encore aujourd'hui une méthode quasi-incontournable. Les laboratoires peuvent ainsi dater un objet fourni par les archéologues en quelques mois (de 1 à 8 mois selon l'urgence), pour un tarif moyen compris entre 300 et 600 euros par objet.

Si vous souhaitez en savoir plus, je vous conseille une petite visite sur le site internet du Centre de Datation de Radiocarbone de Lyon, une mine d'informations et de références pour spécialistes et néophytes.

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